03 mars 2007
La gauche du 21ème siècle, Zaki Laïdi et l'archaisme.
Eden-sur-Seine est pour partie un roman générationnel. Je n'ai pas connu les 30 glorieuses. Je n'étais pas majeur à la fin des années 70. Et pourtant à la lecture de la page débat proposée dans Le Monde par Zaki Laïdi, je n'ai pu m'empêcher de m'interroger sur la notion d’archaïsme.
M. Laïdi indique ainsi que "si nos députés ne comptent que trois personnes issues du monde ouvrier alors qu'ils étaient 100 en 1970, (...) ce n'est pas à cause des dégâts du libéralisme, mais bien parce que l'Etat et les institutions qui émanent de lui sont des producteurs d'inégalités."
Le lien entre le rôle de l'Etat et le nombre de
députés ouvriers ne me parait pas évident. En revanche l’examen de la composition
politique de l’Assemblée depuis les années 70 me parait plus probante. Ainsi,
en 1978 le groupe communiste à l'Assemblée Nationale était composé de 86
députés. En 2002, il est passé à 21membres.
Si on y ajoute une sociologie du PS beaucoup plus
ouvriériste à l'époque, il me semble qu'il y a là une piste assez sérieuse pour
être creusée plus avant. Une analyse rétrospective de l'évolution de la
sociologie des députés par groupe politique permettrait de corroborer cette
proposition.
Il est possible que l'Etat ait contribué à diminuer le vote communiste. Cependant je ne crois pas que ce soit en ayant accru les inégalités, mais bien au contraire parce qu'il contribue, même insuffisamment, à atténuer les-dites inégalités.
Zaki Laïdi affirme aussi que l'Etat, et les institutions qui en émanent, seraient les principaux producteurs d'inégalités en France et non pas le libéralisme.
Je ne crois pas que ce soit faire preuve
d'archaïsme que de rappeler que selon Lacordaire et bien d'autres, "Entre
le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le
serviteur, c’est la liberté qui opprime, c’est la loi qui affranchit". La loi et les institutions qui en émanent et donc l'Etat, car
celui-ci tire sa légitimité du bon fonctionnement des institutions dont il est
le garant. Au premier rang desquelles, le Parlement. Et tout se boucle.
En fait cet article laisse un goût d’inachevé et procède par affirmation. "Le
retour aux trente glorieuses n'est ni possible ni souhaitable". Pas
"souhaitable" ? A moins que ce ne soit le mode de production a-écologique de l'époque qui soit visé,
je ne vois pas en quoi le retour à une période de faible chômage et de forte
croissance, par la régulation étatique et la construction de compromis sociaux
n'est pas souhaitable.... ne serait-ce qu'en reprenant la formule au niveau
européen et non plus strictement au niveau national.
L’archaïsme n’est pas de vouloir revenir aux trente glorieuses. C’est de refuser d’examiner son possible pour peu qu’on en examine le développement au niveau européen avec le souci de rechercher les « trente glorieuses durables ».
En fait on ne comprend pas bien quel est l'avenir de la gauche dans cet article si ce n'est, peut-être, de rejoindre le futur parti démocrate de François Bayrou.
Cela se défend, mais alors, autant le dire franchement, non ?
En revanche je rejoins Zaki Laïdi sur le nécessaire aggiornamento de la gauche sur la mondialisation : la mondialisation est avant tout un processus de redistribution de la richesse et de la puissance dans de nouveaux espaces. Elle consacre la fin de la rente de l'Occident sur le monde. Et de cela il est insupportable de voir des forces de gauche s'inquiéter. Reste à trouver une solution pour que cette redistribution ne soit pas un simple vase communiquant, mais bien plutôt un phénomène permettant une amélioration des niveaux de vie pour tous.